La créativité en Analyse Psycho-Organique

Les racines de la créativité en Analyse Psycho-Organique sont celles de la vision qu’a Paul Boyesen de l’Homme et de la psychothérapie.
La créativité est partout présente en Analyse Psycho-Organique, depuis les premiers jours de la formation des futurs thérapeutes, dans la transmission de ce qu’est l’Analyse Psycho-Organique et, bien sûr, dans la pratique elle-même de cette méthode thérapeutique.
 
Concernant la façon dont Paul Boyesen prépare, par exemple, les formateurs à la transmission de l’Analyse Psycho-Organique, une grande place est laissée à leur propre créativité qu’ils mettront en œuvre durant les stages de formation: c’est une panoplie d’abords possibles qui leur est proposée pour transmettre l’Analyse Psycho-Organique, dans laquelle ils choisiront leurs interventions, qu’ils transformeront si nécessaire, qu’ils adapteront à eux-mêmes, loin d’un déroulé rigide et préétabli. La créativité constitue ainsi d’emblée un facteur de passation de nos façons de travailler et d’appréhender la psychothérapie.
Pour autant, et j’insiste sur ce point dès le préambule, cette créativité s’inscrit dans un cadre précis, dans une vision claire de la façon de pratiquer. La créativité en Analyse Psycho-Organique suscite un ensemble de fonctions thérapeutiques spécifiques que je vais tenter de préciser dans cet article mais elle ne peut constituer un moyen pour le thérapeute d’échapper aux éventuels aléas du processus thérapeutique de son thérapisant, ni de quitter le cadre conceptuel ou éthique de notre pratique.

À partir des courants psychothérapeutiques du siècle dernier, Paul Boyesen a su créer une méthode nouvelle et originale, avec ses concepts et ses dispositifs thérapeutiques propres[i].
 
Il est probable que c’est le même mouvement de liberté intérieure et de rigueur qui lui a permis d’inventer l’Analyse Psycho-Organique et de concevoir, au sein de cette méthode, la créativité comme un véritable outil thérapeutique.
La créativité s’exerce, en effet, à différents niveaux de la pratique de l’analyste psycho-organique et je ne pourrai, loin de là, en donner ici une vision exhaustive.

La créativité en psychothérapie et en Analyse Psycho-Organique

En psychothérapie, la créativité est pour moi une forme d’action qui met en jeu conjointement le thérapeute et le thérapisant, une action qui cherche à mettre en évidence des situations, à symboliser ce qui se passe pour le thérapisant dans ces situations, dans un but de transformation. Ainsi la créativité est au service d’une restauration ou d’une reconstruction du sujet et le point fondamental est de savoir de quelle façon cette créativité est opérante pour la transformation et la réparation de l’expérience de la personne. La créativité est ainsi à relier au transfert d’une part, et aussi à ce que nous appelons le «conséquentiel[ii]» en Analyse Psycho-Organique. Je reviendrai sur ces deux aspects.
 
Du côté de l’analyste psycho-organique, il me semble qu’un premier élément de créativité concerne l’opportunité, la justesse de faire ou non une intervention dans le cadre d’une séance: est-il opportun que j’intervienne à ce moment précis? Qu’est-ce que je choisis de souligner dans ce qu’exprime mon thérapisant? Quelle phrase ou quel mot est-ce que je sens que je peux ou que je dois relever en les répétant ou simplement en émettant un son qui en accentue l’expression? En intervenant, je crée une situation qui n’existerait pas si je ne le faisais pas. En mettant un mot en évidence, je scande et je suscite une réaction éventuelle de mon thérapisant. Je prends ainsi une option thérapeutique en sentant ou en pensant que ce mot ou cette expression peut ouvrir un espace d’exploration pour le thérapisant, qu’il s’agit d’un thème pour lui, que le désir inconscient pointe dans ce qui se dit là.
 
Cette création d’une situation thérapeutique me semble encore plus puissante lorsque nous attirons l’attention du thérapisant sur un geste qu’il fait ou une attitude corporelle qu’il nous donne à voir.
 
Tel homme, alors qu’il évoque ce qui se passe actuellement dans son couple, au moment précis où il dit «dans mon enfance», ferme, comme par réflexe, sa main gauche en poing et vient la frapper dans sa main droite, puis fait craquer tous ses doigts de sa main gauche. Je prends l’option de lui faire remarquer ce geste. Il rit. J’ai créé une nouvelle scène pour cette personne, j’ai ouvert très simplement un nouvel espace d’exploration, dont la personne se saisira ou non. Ici, le rire semble montrer que oui, quelque chose se tient là, des liens possibles, que cet homme explorera, entre les violences de son enfance et ce qui se passe avec son épouse.
 
Ainsi, le premier élément de créativité, le plus important peut-être, est la capacité pour nous de créer ou d’ouvrir des situations qui sont des propositions d’exploration pour le thérapisant.
Cette question est particulièrement présente en Analyse Psycho-Organique, puisque nous disposons de tout un répertoire d’«expérientiels[iii]» dont le but est d’ouvrir des situations et de permettre au thérapisant de reconnaître, de s’approprier, voire de réparer des parties de son histoire dans le vécu même de ces expérientiels.
 
Pour moi, c’est à la diversité des histoires et des symptômes que répond la créativité de l’analyste psycho-organique.
 
La pratique de ces expérientiels développe chez le thérapeute sa propre dimension de créativité et il se montre vite capable de créer du «sur mesure» ou d’adapter des expérientiels pour son patient.
 
Cet usage d’expérientiels, pour autant, ne doit pas s’accomplir tous azimuts et nécessite de s’inscrire dans le processus thérapeutique de la personne, qui demeure l’élément premier. L’attention et le respect portés au développement du processus, la mise en place des conditions permettant le développement de ce processus dans le transfert sont, pour moi, les ressorts thérapeutiques fondamentaux et l’utilisation des expérientiels y est, de mon point de vue, totalement subordonnée.
 
Ainsi donc, si nous décidons de proposer au thérapisant un moyen précis d’exploration, un autre niveau de créativité se manifeste dans le choix que nous faisons de ce moyen d’exploration.
 
Face à l’évocation d’une sensation corporelle en cours de séance, nous avons, par exemple, plusieurs options possibles:
– La première est de ne rien faire. C’est la plus fréquente. Nous n’allons pas intervenir (inter-venir), interrompre (inter-rompre) constamment le thérapisant, quand bien même nous percevons que tant de choses s’expriment ou cherchent à s’exprimer dans son discours et son attitude, et dont nous sentons qu’il pourrait être thérapeutique que la personne prenne conscience.
– Si nous pensons judicieux d’intervenir, nous pouvons proposer à la personne: «En étant bien présent à votre sensation, qu’est-ce qui apparaît en vous, qu’est-ce qui est là?»
 
Nous pouvons choisir d’être plus précis: «Est-ce qu’une image apparaît, ou le souvenir d’une situation?» Situation que nous pourrons proposer de laisser résonner si elle advient, d’explorer et, sans doute, de travailler. Et, pour nous, les façons de travailler les situations sont multiples: en PIT élémentaire[iv], par exemple, ou en scénarisant une situation dans l’espace du cabinet, pour donner ici deux façons très différentes de travailler à partir d’une situation.
 
Face à une douleur dans un bras, nous pouvons proposer de laisser parler cette douleur: «Si votre bras pouvait parler, qu’est-ce qu’il dirait?» ou «Si cette douleur avait des mots pour s’exprimer, qu’est-ce qu’elle dirait?»
 
On voit que le travail en Analyse Psycho-Organique laisse de grandes possibilités de propositions au thérapeute. Ce sont des façons de travailler qu’il a déjà expérimentées durant sa formation ou sa propre thérapie, qu’il a acquises en supervision, mais il peut s’agir aussi de propositions de travail qui émergent en lui-même à un moment précis d’une séance.
 
En psychothérapie de groupe, la créativité de l’analyste psycho-organique est particulièrement sollicitée. Bien plus fréquemment qu’en séances individuelles, le thérapeute est amené à chercher et à créer dans le groupe des «expérientiels» au plus près des problématiques. Cela est ici une nécessité puisque en psychothérapie de groupe le groupe lui-même est utilisé comme médiateur thérapeutique.
 
En voici un exemple:
Dans un travail sur l’identité nous proposons à chaque participant d’avancer très lentement, en étant très présent à lui-même, vers le groupe rassemblé à une extrémité de la pièce. À chacun de ses pas, la personne dit «c’est moi», tout en regardant le groupe.
 
Que proposer aux autres membres du groupe? Restent-ils impassibles ou ont-ils des visages et des attitudes accueillants? Que se passe-t-il quand la personne atteint le groupe? Va-t-elle se positionner face à chacun en le regardant dans les yeux par exemple, en continuant de dire «c’est moi» ou bien est-ce que le groupe va l’entourer? Ou peut-être ces deux possibilités l’une à la suite de l’autre. Si le groupe entoure la personne, de quelle façon cela va-t-il se faire? Les participants posent-ils une main sur elle? Ou les deux mains? Forment-ils une nacelle de leurs bras dans laquelle la personne peut se déposer, se reposer? Celle-ci dit-elle quelque chose à ce moment-là? Le groupe lui aussi dit-il quelque chose? Faut-il faire des propositions ou bien laisser l’initiative à chacun d’agir selon ce qui est présent pour lui à cet instant-là?
 
On voit à travers ces diverses possibilités comment l’intention thérapeutique et la créativité du thérapeute, ainsi que des différents membres du groupe, sont sollicitées, produisant, selon les choix qui sont faits, des situations et des intentions thérapeutiques différentes.
 
Lorsqu’il s’agit d’un groupe d’adolescents, la nécessité de cette créativité se confirme pour leur offrir, au plus près du thème évoqué, dans le respect de leur sensibilité, des situations d’expression et d’exploration adaptées. Ces situations d’expression et d’exploration leur procurent un espace d’existence qu’ils peuvent investir devant d’autres adolescents et devant l’adulte ou les adultes qui animent ce groupe, où il leur est possible, notamment dans leur relation au corps, de se questionner et de s’affirmer, ou, de façon inverse, de vivre et d’interroger leurs retraits.
 
Créer ces espaces avec des adolescents, cela se fait en leur offrant des occasions de parole, d’échanges entre eux par le langage, et ils en sont friands, où ils utilisent leurs codes pour exprimer beaucoup de questions intimes et de vécus singuliers (sur le mode de la plaisanterie par exemple), mais cela se fait aussi en ouvrant des situations propices à l’expérience, à l’exploration et à l’expression, très diversifiées, d’eux-mêmes.
 
Cela fonctionne très bien: rêves éveillés, figurations de scènes, jeux de rôles, évocation de situations qui permettent à l’adolescent, sur un fonctionnement comparable à celui du PIT élémentaire en séance, de s’exprimer et de réaliser son positionnement et celui de l’autre face à lui. Les adolescents apprécient aussi beaucoup des médiums d’expression comme la couleur, utilisée de façon individuelle ou en œuvres communes, ou l’argile, médiums de l’espace «intermédiaire» défini par D. W. Winnicott.
 
Ici aussi on retrouve l’esprit créatif de l’Analyse Psycho-Organique qui, dans le même mouvement, densifie et fluidifie la scène thérapeutique[v].
 
Par ailleurs, je veux souligner que même au sein d’expérientiels qui ont été précisément décrits et mis en place par Paul Boyesen, comme celui du processus de naissance par exemple, le thérapeute a aussi la possibilité de laisser émerger et de pratiquer sa propre créativité.
 
Par exemple, au tout début d’un processus de naissance une personne se trouve au moment de son incarnation. Je sens que cela est difficile et je fais entendre brièvement ma respiration. Dans le feed-back qui suit ce processus, cette personne dira combien le fait d’entendre cette respiration l’a «clairement aidée à s’incarner».
 
Autre exemple, également au cours d’un processus de naissance: alors qu’une personne, née d’une grossesse gémellaire, est dans la phase dite du «mouvement[vi]», je lui souffle sur la nuque, légèrement, à deux ou trois reprises. Durant le feed-back clôturant ces deux jours de travail, elle dit combien ce souffle sur sa nuque lui a permis, en lui faisant sentir son jumeau vivant auprès d’elle, de vivre tranquillement cette période de gestation, c’est-à-dire son propre épanouissement dans la matrice maternelle, en prenant son temps (ce qui était une de ses demandes concernant ce travail), elle qui est née par césarienne.

Que se passe-t-il dans cet espace de créativité entre thérapisant et analyste psycho-organique, tant en individuel qu’en groupe?

Je propose de considérer schématiquement quatre niveaux de créativité:
Du côté du thérapeute:
– D’une part, la possibilité de proposer une intervention ou un expérientiel au thérapisant et de décider de le faire à tel instant de la séance ou à tel moment du processus de cette personne.
– D’autre part, le choix que fait le thérapeute de l’intervention elle-même ou de l’expérientiel et de leur formulation, des aménagements qu’il sent pertinent d’effectuer au sein de cet expérientiel, de la façon dont il décide de travailler durant cet expérientiel.
Du côté du thérapisant:
À ces deux champs de créativité du thérapeute répondent également deux points du côté du thérapisant:
– Que se passe-t-il pour le thérapisant quand le thérapeute lui propose un expérientiel au moment où il le fait? Qu’est-ce qu’il se passe, qu’est-ce qu’il se crée pour lui à ce moment-là? Quel mouvement est convoqué pour lui à cet instant-là? Non pas concernant le contenu de l’expérientiel, mais sur le fait que quelque chose lui est proposé à ce moment-là, dans le flux de ce qui se passe pour lui, et dans le transfert?
Je reviendrai sur ce point qui m’apparaît un point fondamental dans notre travail.
– D’autre part, la créativité du thérapisant me semble foncièrement sollicitée dans la façon dont il utilise l’intervention elle-même. Dans l’exemple que je propose, à la question «Si votre bras pouvait parler, qu’est-ce qu’il dirait?», le thérapisant, s’il choisit de le faire, s’ouvre à sa sensibilité et s’abandonne à ce que cette question produit en lui et, éventuellement, à ce qui lui vient comme réponse. Dans cette ouverture, il y a une sollicitation de sa créativité, une disponibilité à ce qui apparaît dans cet espace entre conscient et inconscient qui est aussi l’espace de la connexion organique.

L’ouverture d’un espace entre conscient et inconscient, l’ouverture à la connexion organique

La scène thérapeutique en Analyse Psycho-Organique est un espace conçu de façon à rendre perceptibles les fonctionnements des processus inconscients, grâce à la simplicité de cet espace et au cadre thérapeutique clairement établi.
Pour moi, les trois grands ancêtres de l’Analyse Psycho-Organique sont:
– Freud dont nous prenons en compte les découvertes du fonctionnement de l’inconscient et de ses manifestations, notamment dans le cadre du transfert (et du contre-transfert) au cours de la cure.
– Jung dont nous sommes proches par notre usage de l’image et du symbole.
– Reich qui souligne l’engrammation corporelle des traumatismes et des névroses.
Mais l’Analyse Psycho-Organique a aussi intégré les découvertes ou les apports d’autres cliniciens comme S. Ferenczi, G. Groddeck, D. W. Winnicott, Gerda Boyesen[vii].
Nous travaillons donc avec la notion d’inconscient telle qu’elle est mise en évidence et développée par les différentes psychanalyses[viii], et l’espace de travail en Analyse Psycho-Organique est une ouverture sur l’actualisation et la mise en évidence des processus inconscients.
À partir de ces ancêtres, Paul Boyesen, dans sa conceptualisation propre, a créé la notion d’«inconscient situationnel» qui fait de l’image la donnée constituante première de l’inconscient, l’image comme porteuse d’une situation[ix]. Cette notion d’«inconscient situationnel» ouvre sur toute une dimension de travail en cours de séance et dans le processus thérapeutique[x]. Elle nous rend particulièrement attentifs à l’évocation ou à la recherche de «situations» qui actualisent dans la séance elle-même des modes de fonctionnement inconscients, notamment à partir de la mise en place de «contrats inconscients».
L’ouverture à ces situations se fait par tous les accès qui se présentent: sensation corporelle, mouvement, émotion, sentiment, image, rêve, mot, souvenir, pensée.
C’est dans cette particularité du travail à partir de situations, notamment, qu’il y a une sollicitation particulière de la créativité en Analyse Psycho-Organique: nous sommes amenés en effet à créer les moyens de travailler à l’intérieur de ces situations en étant au plus près de ce qui est en jeu pour notre thérapisant.
Le processus de naissance est bien sûr la création d’une situation, et j’ai déjà montré comment on est amené à laisser émerger en nous ce qui peut aider spécifiquement telle ou telle personne dans ce travail[xi].
Lorsque l’on travaille une situation au cours d’une séance individuelle, cette dimension d’adéquation, d’accordage à ce qui se passe pour le thérapisant, est présente en permanence. C’est constamment que nous écoutons en nous ce qui pourrait aider la personne à approfondir son vécu dans la situation. Nous pouvons lui proposer par exemple d’être très à l’écoute de ce qui se passe dans son corps, de laisser émerger en elle ce qu’elle aurait souhaité exprimer dans la situation, de sentir quel autre comportement aurait pu être le sien. Nous pouvons l’engager à exprimer ce comportement, à le visualiser et même à l’agir éventuellement dans la séance, symboliquement ou physiquement. Nous aidons constamment la personne à approfondir son ressenti et l’expression de ce qui se passe pour elle dans la situation. Nos possibilités pour encourager le thérapisant dans l’expression et dans la réalisation de lui-même sont très nombreuses, limitées seulement, mais cela est essentiel, par la justesse de notre accordage et de notre écoute, et, bien sûr, par l’éthique de notre travail[xii].
Il n’est pas possible d’évoquer l’appel que nous faisons aux images en Analyse Psycho-Organique, ni de souligner l’attention que nous portons aux sensations corporelles, sans dire quelques mots de ce que nous appelons la «connexion organique».
La topique de l’Analyse Psycho-Organique, comme les topiques freudiennes, comporte trois termes:
– L’organique profond: lieu de la vie organique, des manifestations viscérales, des réactions végétatives, du psychopéristaltisme.
– La connexion organique: espace de connexion entre vie organique et pensée réflexive, lieu des émotions, des sensations corporelles, des images, des rêves, des fantasmes, du comportement, de la voix, de nombreux symptômes, souvent corporels, espace intermédiaire entre conscient et inconscient, modalités où cherchent à s’exprimer, de façon inconsciente, nos besoins insatisfaits et nos désirs inhibés.
– Le concept: lieu de la pensée réflexive, du langage, de la conceptualisation…
Comme l’émotion, l’image est une expression spécifique de la connexion organique, et nous sollicitons souvent l’émergence d’images chez nos thérapisants comme porteuses de traumas, de désirs non réalisés, porteuses de l’évocation de situations qui restent en attente de résolution[xiii].
L’image est une formation intermédiaire entre besoins et désirs inconscients d’une part et mise au jour symbolisante (dans le «concept») d’autre part.
C’est cette particularité de notre conception de la connexion organique qui nous amène à rechercher et à inventer des espaces où, à partir d’un élément de la connexion organique, comme une image, un rêve, une douleur, un geste particulier, nous mettons en place une situation que nous espérons thérapeutique. Dans cette situation, nous explorons cette expression de la connexion organique, nous cherchons à en trouver le ou les sens et à amener la personne à en produire et à en vivre une expression symbolisante.

La symbolisation et le conséquentiel

À la question de savoir à quoi sert la créativité en Analyse Psycho-Organique, je réponds que, pour moi, le but de la créativité en Analyse Psycho-Organique est de permettre au thérapisant d’être au plus près d’une situation afin d’accéder à la symbolisation de ce qu’il s’est passé pour lui dans cette situation.
Qu’est-ce alors que la symbolisation?
C’est, pour moi, l’entrée dans l’échange parlé, visuel, auditif, tactile et même cénesthésique qui permet, à partir d’une situation, d’être dans un «rayonnement communicant[xiv]» avec l’autre ou avec les autres.
À partir de ce rayonnement communicant avec l’autre ou avec les autres, ce que j’attendais de vivre prend forme, apparaît à la lumière du jour de l’expression, et dans cet échange, grâce à la présence de l’autre, cela se vit et s’inscrit en moi avec ses vertus réparatrices et transformationnelles.

L’ouverture de l’espace du jeu et de la création. L’intervention vue comme un objet trouvé-créé.

Je voudrais également attirer l’attention sur cette question que j’évoquais à propos des effets de la créativité du côté du thérapisant: que se passe-t-il pour lui du fait que son thérapeute lui propose une intervention au moment où il le fait? Qu’est-ce qu’il se passe, qu’est-ce qu’il se crée pour lui à ce moment-là? Quel mouvement est convoqué pour lui à cet instant-là? Non pas concernant le contenu de l’expérientiel, mais parce que quelque chose lui est proposé à ce moment précis, dans le mouvement de ce qui se passe pour lui, et dans le transfert?
 
Il me semble que beaucoup de thérapisants sont confrontés, durant leur processus thérapeutique, à la dimension d’une régression au niveau du narcissisme primaire où la question est de conforter les bases de la structuration d’un vrai self, notamment en consolidant la capacité de différencier ce qui est moi de ce qui est l’autre.
 
C’est D. W. Winnicott qui nous éclaire le mieux, me semble-t-il, sur ce qu’il se passe à ce moment-là du développement du très jeune enfant.
 
Même si, pour moi, l’ouverture à la connexion organique que nous pratiquons en Analyse Psycho-Organique est aussi une ouverture à cet espace du jeu et de la création mis en évidence par Winnicott, je ne développe pas ici ce que la compréhension de «l’objet transitionnel» ou de «l’aire intermédiaire d’expérience» peut apporter à notre pratique d’analyste psycho-organique. Je voudrais en revanche évoquer ici ce que Winnicott appelle «l’objet trouvé-créé».
 
Le bébé, au tout début de sa vie, au moment du narcissisme primaire, n’a pas la capacité de différencier ce qui vient de lui de ce qui vient de ce que l’on appelle l’objet, c’est-à-dire essentiellement sa mère. Pour qu’advienne cette différenciation, le rôle de l’accordage, de l’ajustement de l’environnement aux besoins de ce bébé est crucial. Winnicott a beaucoup travaillé sur ce qu’il se passe pour le bébé à ce moment-là et il a défini ce que peut être un environnement «suffisamment bon» permettant, peu à peu, au bébé de différencier ce qui est lui de ce qui est l’autre. C’est cette différenciation qui constitue la base de l’émergence progressive du moi.
Durant cette période amenant à la reconnaissance de l’objet, Winnicott souligne l’importance de ce qu’il appelle l’objet trouvé-créé. De quoi s’agit-il?
 
Le bébé qui a déjà vécu la satisfaction de ses besoins, qui a déjà reçu des réponses adaptées aux montées de tension qui l’habitent, se constitue une première mémoire de ce qui est satisfaisant pour lui. Quand il se trouve confronté à un nouveau besoin, il est capable d’une représentation psychique de la satisfaction de ce besoin et, avant que la satisfaction réelle n’ait le temps de se présenter, il hallucine l’objet de sa satisfaction, il crée psychiquement l’objet attendu. Si la mère est suffisamment «ajustée» à son bébé, si elle ne le fait pas trop attendre et se montre capable de percevoir ce qui pourrait le satisfaire, elle propose au bébé ce qu’il attend à ce moment-là. C’est cela l’objet «trouvé-créé», le fait que l’enfant «trouve» dans le monde extérieur ce qu’il est en train de créer dans son monde interne.
 
Exemple: la faim est là. Sur un mode hallucinatoire je perçois le sein qui comblera cette sensation. Le sein se présente alors réellement. J’ai l’impression que c’est moi qui l’ai créé et cela conforte, de façon très originaire, ma capacité à agir sur le monde. C’est à partir de là que se construit l’émergence de ma subjectivité.
 
Eh bien, pour moi, la façon d’amener une intervention, c’est-à-dire de proposer un expérientiel suffisamment bien adapté au besoin, ajusté à l’attente du thérapisant, à ce moment-là de son processus, est une façon de lui permettre de créer un objet trouvé-créé. Cet objet trouvé-créé instaure, dans le transfert, la possibilité de réparer la construction d’un meilleur self.
 
Je peux le formuler différemment, en introduisant la notion de conséquentiel: lorsque le thérapisant ressent qu’il a besoin de ceci, qu’il voudrait vivre cela qu’il attend depuis longtemps et qu’il sait être bon pour lui, s’il rencontre à ce moment-là la proposition du thérapeute de le vivre par l’intermédiaire d’un expérientiel et si cet expérientiel est suffisamment bien ajusté à son besoin, c’est cette illusion d’un objet trouvé-créé qui se produit. Cet objet «trouvé-créé» qui vient alors conforter la capacité de créativité et l’identité narcissique du thérapisant.
 
On voit par ailleurs comment, dans ce travail, l’analyste psycho-organique est lui aussi dans un espace transitionnel: on pourrait dire, en effet, qu’il est poreux aux demandes du thérapisant, capable de ressentir[xv], comme pourrait le faire une mère «suffisamment bonne», les besoins de celui-ci. En se révélant apte à offrir une possibilité, grâce à la proposition même de l’expérientiel, d’exprimer et de satisfaire ses besoins, le thérapeute lui procure la possibilité de symboliser son manque et l’opportunité de réaliser son conséquentiel[xvi].
 
Enfin, avant de conclure, je voudrais, sur ce thème de la créativité, évoquer aussi la nécessaire malléabilité du thérapeute. Je m’appuie pour cela sur le travail clinique de S.Ferenczi qui est le premier à avoir souligné combien il est nécessaire que l’analyste sache se montrer suffisamment malléable pour inventer la meilleure manière de répondre aux attentes de ses patients. Ferenczi a, sans doute, été le premier à refuser qu’on édicte en dogme la théorie psychanalytique et il ne supportait pas l’idée qu’on puisse déclarer qu’un patient qui ne pouvait être soulagé grâce à cette théorie était inanalysable. Il a soutenu qu’il s’avère thérapeutique que l’analyste puisse adapter sa pratique au patient et, de fait, Ferenczi a souvent été le dernier recours de cas considérés comme désespérés que ses collègues lui adressaient de tous les points du globe.
 
La créativité de l’analyste psycho-organique et l’utilisation d’expérientiels s’inscrivent aussi pour moi dans cette aptitude du thérapeute à se montrer capable de malléabilité.
 
Il peut arriver, en effet, que le cadre thérapeutique, la façon de faire du thérapeute soient perçus par le thérapisant comme présentifiant à nouveau une relation de dépendance infantile insatisfaisante ou même pathogène qu’il peut avoir vécue dans son enfance. Il peut même vivre en séance la réactualisation de sa difficulté à se faire entendre d’une mère insuffisamment à l’écoute, indisponible, peu soucieuse de respecter ses besoins.
 
À l’inverse, une mère suffisamment accessible et transformable donne à l’enfant le sentiment d’être dans un monde qui peut prendre en compte ses spécificités propres, et qu’il peut aussi transformer selon ses besoins, un monde sur lequel il peut agir et qu’il peut influencer. L’impossibilité de «transformer sa mère», c’est-à-dire l’absence d’ajustement maternel, provoque des états de détresse et d’impuissance radicale qui laissent à l’enfant l’impression qu’il ne peut agir sur le monde, qu’il est impuissant à le transformer, et donc qu’il lui faut se soumettre, se soumettre ou se démettre, c’est-à-dire retirer son investissement.
 
À certains moments du processus thérapeutique nous pouvons nous trouver confrontés à cela et il est souhaitable alors que l’analyste psycho-organique soit capable de se laisser transformer au contact de son thérapisant. En l’écoutant et en s’accordant à lui, le thérapeute doit pouvoir modeler son propre comportement, manifestant ainsi auprès de ce thérapisant sa capacité d’entendre et de réagir.
 
Outre l’intérêt thérapeutique de l’expérientiel lui-même dans le travail du thérapisant, il me semble que la capacité ajustée de proposer des outils thérapeutiques adaptés peut contribuer à donner crédit à la capacité de l’analysant de modeler voire de transformer la réalité[xvii], ce qui conforte sa capacité à agir, à asseoir sa créativité et lui permet de consolider les bases narcissiques de son identité.

En conclusion

«La personne n’est pas un sac de symptômes» disait A. Maslow[xviii] et nous savons, en Analyse Psycho-Organique, prendre en compte l’expérience subjective de nos thérapisants.
Nos façons de faire savent considérer les choix spécifiques de la personne et sa capacité de faire des choix.
Cette approche humaniste produit ce que j’appelle le «style» de l’analyste psycho-organique, cette façon d’être, chaleureuse et accueillante, que ceux qui viennent nous voir perçoivent immédiatement.
En Analyse Psycho-Organique, conjointement à une clinique issue des psychanalyses que l’on peut appeler une clinique du dissimulé, nous travaillons aussi du côté d’une clinique du positif ou clinique du manifesté[xix] qui se nourrit de cette vision humaniste existentielle. À l’aide du travail psychothérapeutique dans l’ici et maintenant de la relation, cette clinique du positif vise à libérer les capacités d’évolution du thérapisant, en s’appuyant sur sa capacité à reprendre ou à dégager le cours de son développement personnel, d’où notre confiance fondamentale dans l’évolution du processus thérapeutique.
 
L’analyste psycho-organique établit avec son thérapisant une relation humaine de confiance, chaleureuse, qui est aussi une relation de personne à personne.
 
C’est la qualité et l’authenticité de cette relation dans le cadre thérapeutique qui donnent toute leur valeur aux retours en miroir que peut formuler le thérapeute à l’égard du thérapisant, et à l’espace offert à celui-ci de percevoir et de réaliser ce qu’il comprend et a besoin de formuler à l’égard de lui-même. On voit ainsi que la créativité a une place fondamentale dans cette perspective humaniste existentielle. Elle devient un espace nécessaire, tout autant que fondamentalement bon, pour permettre au thérapisant de mieux prendre conscience des divers aspects de sa problématique, d’ouvrir les portes des possibles et d’élaborer en lui, en pouvant les voir réalisées ou figurées dans le cadre de la séance, les diverses modalités de réaction et d’être qui lui sont accessibles.
 
C’est aussi à Maslow que l’on doit ce propos: «I suppose it is tempting, if the only tool you have is a hammer, to treat everything as if it were a nail.» (Maslow, 1966, p.15), que l’on peut traduire littéralement par: «J’imagine qu’il est tentant, si le seul outil que vous avez est un marteau, de traiter tout problème comme si c’était un clou.» Cette citation pourrait être reprise au profit de l’Analyse Psycho-Organique, qui dispose précisément d’une diversité d’outils afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque patient selon les différentes étapes de l’évolution de son processus psychothérapeutique.
 
La créativité est centrale dans toute psychothérapie, mais la bonne utilisation de la créativité est celle qui sait suivre et s’adapter au processus du thérapisant et permet de l’approfondir. Elle est l’inverse de l’application ou de la proposition d’interventions, comme des expérientiels par exemple, qui viendraient d’un thérapeute en mal de patience ou d’ajustement à son thérapisant et que l’attente de l’évolution du processus ou les moments dépressifs de celui-ci angoisseraient.
Par ailleurs, être créatif n’est pas être dans la toute-puissance. Ni dans une création tous azimuts dont l’objet ne serait que de permettre au thérapeute de conforter ses propres bases narcissiques.
L’éthique de notre pratique et la nécessaire obligation de référer de notre travail en supervision sont les conditions minimales pour que cette créativité, porteuse de tant de capacités thérapeutiques, soit pleinement mise au service de nos analysants.
 
Marc Tocquet, Avril 2016.

Bibliographie

Boyesen J. (2004), «Régression et symbolisation», Manuel d’enseignement de l’EFAPO n°7, pp.293-317.

Boyesen P. (1992), «L’inconscient est situationnel», Manuel d’enseignement de l’EFAPO n°2, pp.11-35.

Boyesen P., Huber H.-G. (1993), Pour qui je me réveille le matin?, Paris, Les éditions Adire.

Champ É. (2012), «Le présent amplifié», DIALOG, International Journal of Psycho-Organic, Paris, EAPOA, pp.38-44.

Champ É. (2015), «L’éthique de l’Analyse Psycho-Organique», L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan, pp. 275-291.

Champ É., Tocquet M. (2014), «De la psychanalyse freudienne vers une psychanalyse intégrative» in Les fondements des psychothérapies, ouvrage collectif sous la direction de M. Vinot-Coubetergues et E. Marc, Paris, Dunod.

Champ É., Fraisse A., Tocquet M. et al. (2015), L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan.

Dolto F., Winter J.-P. (2002), Les images, les mots, le corps, Paris, Gallimard.

Fraisse A., Tocquet M. (2015), «Les fondements de l’Analyse Psycho-Organique», L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan, pp. 25-38.

Fraisse A., Tocquet M. (2015), «Les concepts de base de l’Analyse Psycho-Organique», L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan, pp. 81-112.

Gantheret F. (1980), L’image du corps. Étude des forces constructives de la psyché, Paris, Tel, Gallimard.

Hoffman E. (1988), The right to be human: a biography of Abraham Maslow, New York, McGraw-Hill.

Maslow A. (1966), «A reconnaissance» in The Psychology of Science, New York, Harper & Row.

Maslow A. (1971), Être humain, Paris, Eyrolles, 2006.

Tocquet M. (2015), «L’inconscient en Analyse Psycho-Organique» in L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan, pp. 39-64.

Tocquet M. (2015), «La psychothérapie des adolescents en Analyse Psycho-Organique» in L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan, pp. 319-358.

Winnicott D. W. (1953), «Objets transitionnels et phénomènes transitionnels»Jeu et réalité. L’espace potentiel, Paris, Folio Essais, Gallimard, 1975, pp. 27-64.

Notes

[1]. Je ne développe pas ce point ici, je renvoie le lecteur vers les articles que j’ai co-écrits avec Anne Fraisse sur les fondements, d’une part, et sur les concepts de base de l’Analyse Psycho-Organique d’autre part, dans l’ouvrage collectif L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, L’Harmattan, 2015.

[2]. On peut définir grossièrement le conséquentiel comme le non-réalisé de notre vie et qui demeure en attente de réalisation. Il s’agit de ce que nous attendions de vivre dans le passé et que nous n’avons pas vécu, ainsi que de ce que nous attendons de vivre dans l’avenir.

[3]. Un expérientiel est une façon de travailler une situation qui permet la plupart du temps à la personne de ressentir ce qui se passe pour elle corporellement, au niveau des émotions, des sentiments, d’examiner les pensées qui surgissent alors. Plus globalement, il s’agit d’être bien en contact avec ce qu’il se passe dans cette situation, ceci afin de symboliser ce ressenti et de transformer les éventuelles conséquences de cette situation. Nous disposons de toute une diversité d’expérientiels que nous pouvons utiliser comme tels, mais que nous pouvons aussi développer ou aménager. Nous pouvons aussi créer des expérientiels en respectant «l’esprit» de l’Analyse Psycho-Organique. C’est tout l’objet de cet article que de travailler ces questions.

[4]. Le PIT (««Primary Impulse Training» que l’on peut traduire par «Travail sur l’impulse primaire»), se décline en PIT élémentaire et PIT avancé. Le PIT élémentaire, auquel je fais référence ici, concerne notamment une façon de travailler où, à partir d’une situation problématique ou pathogène, on accompagne le thérapisant à découvrir ou à approfondir son vécu émotionnel et corporel dans cette situation, à prendre conscience de ce qu’il s’est passé pour lui à ce moment-là, puis, à l’aide de l’expression notamment et en étant en contact avec le «conséquentiel», le thérapisant transforme et symbolise son vécu douloureux ou désubjectivant en relation avec cette situation.

[5]. Concernant la psychothérapie des adolescents en Analyse Psycho-Organique, cf. mon article: «La psychothérapie des adolescents en Analyse Psycho-Organique» in L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, op. cit.

[6]. À la suite de P. Boyesen, nous concevons le «processus de naissance» en Analyse Psycho-Organique en 5 phases qui sont: la conception, l’incarnation, le mouvement, le passage, l’union-réunion. Le «mouvement» est la phase de gestation et de mouvement dans l’utérus: multiplication et différenciation des cellules, mais aussi mouvements du fœtus dans la matrice maternelle.

[7]. Sur ce thème, je renvoie le lecteur au chapitre co-écrit avec Anne Fraisse: Fraisse A., Tocquet M., «Les fondements de l’Analyse Psycho-Organique» in L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan, 2015.

[8]. Car la psychanalyse n’est pas une mais plurielle, ainsi que nous l’avons montré, Éric Champ et moi-même, dans notre article «De la psychanalyse freudienne vers une psychanalyse intégrative» in Les fondements des psychothérapies, ouvrage collectif sous la direction de M. Vinot-Coubetergues et E.Marc, Paris, Dunod, 2014.

[9]. «L’inconscient peut être représenté comme un océan d’images, une multitude de situations: des situations réelles oubliées ou refoulées, des situations organiques et physiques (comme le mouvement inconscient des cellules, etc.), et des situations non vécues. Dans l’inconscient toutes les images sont acceptées dans un état dynamique d’interaction, et par là même, d’évolution.» (Boyesen P., 1992, p.16)

[10]. Voir mon article «L’inconscient en Analyse Psycho-Organique» in L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan, 2015, pp. 39-64.

[11]. De façon plus générale, dans notre façon de travailler avec des situations de régression induite, que nous appelons, avec Joëlle Boyesen, des régressions «positives», comme les polarisations, les portages par exemple, nous sommes amenés à ajuster ces situations expérientielles réparatrices aux besoins de nos thérapisants.

Ces ajustements ont pour but d’amener les personnes à pouvoir réparer ce qui leur a fait défaut dans une bonne expérience de la relation à l’objet primaire, aux âges les plus précoces. Voir à ce sujet J. Boyesen, 2004.

[12]. Sur cette question voir le chapitre consacré par É. Champ à l’éthique de l’Analyse Psycho-Organique, in L’Analyse Psycho-Organique. Les voies corporelles d’une psychanalyse, Paris, L’Harmattan, 2015, pp. 275-291.

[13]. Il est frappant, lorsque nous y portons notre attention, de constater combien l’expression se fait à partir d’images. Voici quelques exemples recueillis en quelques séances:

        – Je suis comme une baleine échouée sur une plage.

– Je n’ai pas de souvenirs, ça doit être enfoui au fond, quelque part.

– J’ai une tension à gauche dans le cou, comme une boule qui veut sortir.

[14]. Expression que j’emprunte à F. Dolto in Dolto F., Winter J.-P., Les images, les mots, le corps, Gallimard, Paris, 2002, p. 71.

[15]. Notamment grâce à ce que nous appelons en Analyse Psycho-Organique le «contre-transfert organique».

[16]. Comme l’écrit F. Gantheret à propos de Winnicott, «le self correspond au sentiment d’existence individuelle, d’autonomie et, plus précisément, au sentiment d’habitation, dans le corps, de la psyché». F. Gantheret «L’image du corps. Étude des forces constructives de la psyché», Tel, Gallimard, Paris, 1980, p. 114. [Paul Schilder, L’image du corps. Étude des forces constructives de la psyché, traduit de l’anglais par F. Gantheret et P. Truffert, Connaissance de l’inconscient, Gallimard, Paris, 1968]

On voit comment la base même de travail en Analyse Psycho-Organique est particulièrement appropriée pour réparer ce mouvement de construction premier lorsqu’il n’a pu avoir lieu de façon satisfaisante.

[17]. Éric Champ souligne, dans son article Le présent amplifié (Champ, 2012), à quel point en Analyse Psycho-Organique «Le moment présent est considéré comme le matériau vécu dont les verbalisations, les interprétations, les représentations, les généralisations et la métapsychologie sont toutes des abstractions qui en découlent» p. 42, ou encore que «… l’une des particularités de l’APO est de proposer dans le cadre psychothérapeutique un champ d’expérience très large qui a des vertus thérapeutiques en tant que champ d’expérience et pas simplement en tant que lieu d’analyse des répétitions du passé» p. 39.

[18]. Cité par E. Hoffman (1988), p.109.

[19]. Nous avons développé cela, Éric Champ et moi-même, dans notre article «De la psychanalyse freudienne vers une psychanalyse intégrative» in Les fondements des psychothérapies, op. cit.

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