Dans les saisons de la vie, le printemps correspond à l’adolescence.
LE PRINTEMPS
Au printemps, la sève qui s’était retirée dans les racines des végétaux commence à remonter vers les branches. Après la période de régénération et d’incubation que représente l’hiver, la vie commence à poindre et à jaillir.
Les bourgeons apparaissent, les premières pousses, les jours rallongent, l’air se charge d’une énergie de renouveau qui fait pétiller nos cellules. Les bourdons s’enivrent du premier nectar, les oiseaux construisent leur nid, tout chante, tout danse, tout jaillit…
Mais le danger de cette saison est que, entrainé.e.s par cette énergie qui monte, rayonne et tourbillonne, nous nous enivrions, nous perdions, nous épuisions. Il nous faut contenir cet élan et rester à l’écoute des besoins de notre corps si nous ne voulons pas brûler nos ailes tout juste déployées.
L’ADOLESCENCE
Le parallèle avec l’adolescence se révèle et peut nous aider à changer notre regard sur cette période de la vie souvent décriée (1). Les chinois écrivent le mot « crise » avec deux idéogrammes : l’un qui veut dire « danger », l’autre qui veut dire « opportunité ».
Alors oui, dans ce sens là, l’adolescence est une crise… pour l’adolescent.e. Une crise identitaire qui brouille les cartes et met en mouvement des changements corporels, hormonaux, mentaux, émotionnels, énergétiques, tous interdépendants.
Mais c’est surtout un pas-sage qui, comme les autres passages de la vie, naissance, parentalité, ménopause et andropause, grand âge, mort – a besoin d’être accompagné.
Et même lorsque qu’il n’y a pas de problème grave, addiction, anorexie, conduites à risque, dépression, abus, harcèlement, etc, les ados ont besoin de notre présence, de notre soutien, de notre considération.
Les adolescent.e.s ont besoin de nous, parents et adultes de tous âges, non pas pour les porter voire les guider, mais pour que nous leur donnions un étayage, une sécurité de base, un contenant dans lequel il.elle.s vont pouvoir expérimenter et découvrir qui il.elle.s sont.
Les ados ne sont pas toujours sérieux, mais il.elle.s ont besoin d’être pris au sérieux. Il.elle.s ont besoin d’être écouté.e.s, d’être vu.e.s là où il.elle.s sont, d’être considéré.e.s. Il.elle.s ont besoin que leurs pensées, leurs émotions, leurs idées, soient accueillies et contenues. Il.elle.s ont besoin de sentir notre confiance en leur force de vie, ce que l’APO appelle le noyau sain.
Quand tout change à l’intérieur de soi, quand notre corps se transforme, quand même notre odeur corporelle se modifie, nous avons besoin de « continuité d’être », de sécurité ontologique, pour accueillir puis intégrer ce grand chamboulement. C’est comme une deuxième naissance, et les besoins de base sont les mêmes : accueil, amour, contenance, écoute, respect…
Il y a dans l’adolescence une énergie formidable, un potentiel incroyable, un mélange de force et de vulnérabilité (2). Alors oui, les adolescent.e.s peuvent être … fatigant.e.s pour leurs parents. Oui, c’est une période où souvent, d’un coup, on ne parle plus la même langue. Oui, c’est une période confrontante, pour les ados et pour leur entourage.
Mais les adolescent.e.s sont aussi merveilleux.ses, audacieux.ses, créatif.ve.s, impatient.e.s jardinier.ère.s du vivant, intrépides explorateur.trice.s de l’inconnu. Il y a dans leurs regards, dans leurs réflexions, dans leurs révoltes, une multitude de graines que nous devrions admirer et préserver. Car si la forme est parfois critiquable, le fond recèle des trésors.
L’ANALYSE PSYCHO ORGANIQUE POUR ACCOMPAGNER LES ADOLESCENT.E.S
L’APO est une psychothérapie du lien, et à ce titre convient particulièrement à l’accompagnement des adolescent.e.s :
● Lien interpersonnel : le thérapeute, par son éthique, son écoute et le cadre proposé permet à l’adolescent.e de trouver ce contenant sécure et non jugeant dont il a tant besoin.
● Lien intra-personnel : l’APO prend en compte toutes les dimensions de l’être et met en lien le corps, l’émotionnel et la pensée. En accueillant tous les ressentis, elle permet de mettre du sens sur ce qui se vit. Et ceci est particulièrement précieux pour les ados.
Le thérapeute est alors cet adulte, dégagé des enjeux d’éducation, qui offre à l’adolescent.e un espace où il.elle peut expérimenter d’être, d’être en relation et de recevoir la considération dont il.elle a besoin, dans les limites du cadre… Parce que, oui, l’adolescent.e a aussi besoin de limites et de pouvoir s’y confronter tout en étant contenu.e.
Enfin, l’APO est une psychothérapie qui soutient l’identité et l’estime de soi (avec ses trois composantes, l’amour de soi, la confiance en soi et l’image de soi). Identité en construction chez l’adolescent.e, estime de soi qui souvent vacille au moment de la puberté, surtout chez les filles.
LA PUBERTÉ CHEZ LES JEUNES FILLES
Une étude réalisée en Angleterre (3) montre qu’entre 8 ans et 14 ans, le niveau de confiance en elles des filles chute de 30%. Dis autrement et en exagérant à peine, à 10 ans les filles veulent conquérir le monde, à 15 ans elles se trouvent grosses, bêtes et moches. Que s’est il donc passé entre les deux ? La puberté…
Le corps des femmes est une merveille, le cycle menstruel une bénédiction. Mais ce n’est pas comme cela que ça nous est « vendu », ce n’est pas cela que transmet l’environnement socio culturel. Et les filles incorporent dès le plus jeune âge des injonctions qui viennent parasiter la relation à leur corps. Il y a encore trop de tabou, trop de honte, autour du corps de la femme et des menstruations.
De linéaire qu’il était dans l’enfance, le corps des filles devient cyclique à la puberté. C’est un changement profond, au creux de l’intime. C’est une relation à elle-même, au monde, au temps, qui se transforme. Et cet éprouvé intime, organique, au lieu d’être valorisé, est souvent vécu par les jeunes filles dans le silence, la honte, parfois la souffrance, au mieux dans l’indifférence.
Parce que le monde dans lequel nous vivons est linéaire, et attend de nous que nous le soyons aussi. Se creuse alors un écart terrible entre ce que le corps de la jeune fille lui dit, et ce que la société attend d’elle. Un peu comme si nous demandions à la nature de fonctionner toute l’année en mode « printemps ». Au risque de brûler le vivant, au risque que la jeune fille cesse d’écouter son corps et le bâillonne.
Même pour les jeunes filles qui reçoivent des transmissions positives de leur mère et de leurs proches (et ce ne sont pas les plus nombreuses), la puberté est une période à haut risque de dévalorisation, de perte de confiance, de repli sur soi. En fait, le message est le suivant : « ton corps n’est pas comme il devrait être », que ce soit intérieurement ou extérieurement.
Beaucoup de problématiques qui flambent à l’adolescence sont, pour les filles, liées à leur corps de femme en devenir et aux injonctions multiples (et parfois contradictoires) qui pèsent sur lui.
D’où l’importance de rétablir des transmissions positives sur le fait d’avoir, d’être, un corps de femme, et d’accompagner les jeunes filles tout au long de cette transition. Car, non, on ne devient pas femme d’un coup de baguette maléfique lorsqu’on a ses premières règles.
En dehors de la thérapie, indispensable pour les problématiques graves, il existe d’autres espaces pour soutenir les jeunes filles dans ce passage qu’est l’adolescence.
Par exemple le Celebration Day for Girls (4) créé par Jane Bennett en Australie en 2001 pour les 8-12 ans et leur mère. Sur un week-end, mères et filles se voient offrir un espace-temps pour préparer la puberté dans la joie et la fierté, de manière ludique mais informative. Il s’agit aussi d’aider les mères à se réconcilier avec leur corps de femme, de faciliter le dialogue mère/fille, de donner de l’information claire et dans tabou, d’accueillir toutes les questions.
Les cercles de jeunes filles, animés par une thérapeute, qui regroupent des jeunes filles d’âge similaire, sont des espaces d’empowerment (empuissancement) où se travaillent, entre autres, l’image de soi, les transformations du corps, le consentement, les relations, et pour les plus âgées la contraception et la sexualité.
En individuel, l’APO est précieuse avec ses outils pour travailler l’affirmation de son identité, pour apprendre à dire « non », pour sentir ce qui vient du corps, du cœur, de la tête, pour apprendre à accueillir ses émotions et les contenir.
ET LES PARENTS ?
Notre société souffre d’un cruel défaut de transmissions, autant pour les hommes que pour les femmes.
Comment transmettre à ses enfants ce qu’on n’a pas reçu ? Comment aider sa fille à être fière de son corps quand on vit le sien comme une malédiction (si on est une femme) ou si on ignore tout du fonctionnement du corps féminin (si on est un homme) ?
Pour accompagner leurs ados, les parents ont parfois besoin de commencer par rencontrer l’ado qu’il.elle.s ont été. Ce n’est qu’après avoir contacté leur ado intérieur.e, après l’avoir écouté, compris, rassuré, après avoir pansé ses blessures, surtout au niveau de la sexualité, ce n’est qu’à ce moment là qu’un parent peut réellement accompagner son ado réel.le.
Dans une thérapie APO, dans la sécurité et la chaleur du transfert, l’adulte peut recontacter l’enfant, l’ado, qu’il.elle a été. Un travail de guérison des blessures peut alors s’effectuer.
Pour les femmes, les transmissions qu’elles n’ont pas reçues autour des ménarches (premières règles), autour de la magie de leur corps de femme, peuvent se faire dans cet espace transférentiel. À condition bien sûr que le.la thérapeute incarne cette magie.
EN GUISE DE CONCLUSION…
Le monde de l’adolescence mérite l’exploration. Il mérite d’être valorisé. Et si tout passage nous fait entrer dans une zone de turbulence, il n’y a aucune fatalité à ne pas apprécier le voyage.
Alors prenons soin de nos ados, nos ados réel.le.s et notre ado intérieur.e, pour que dans cette « crise » l’opportunité l’emporte sur le danger.
Notes :
1) il y a bien sûr un versant sombre à l’adolescence, le côté « danger » quand il submerge (sans le détruire) le côté « opportunité » et dont je ne parlerai pas ici. Il nécessite un accompagnement spécialisé, souvent multidisciplinaire, pour lequel l’Analyse Psycho Organique est particulièrement adaptée.
2) On pourrait d’ailleurs dire cela de tous les âges de la vie. Chaque saison de la nature a ses particularités et sa puissance, chacune est nécessaire aux autres et au cycle de la vie. Réhabiliter et valoriser l’adolescence ainsi que la vieillesse, serait un formidable moyen de nourrir le vivant.
3) Claire Shipman et Katty Kay , « The Confidence Code for Girls », Harper Collins, 2018
4) https://celebrationdayforgirls.com Jane Bennett a formé environ 200 facilitatrices dans une vingtaine de pays, dont la France sous la dénomination Fêter la Puberté.