C’est grâce à une expérimentation à deux volets que Robert Rosenthal, dans les années 60, met en évidence l’effet Pygmalion.
Pour le premier protocole expérimental, il s’associe à un autre chercheur, Kermit Fode, et ensemble ils font intervenir deux populations souvent mises à contribution pour les recherches américaines en psychologie : à savoir les rats et les étudiants en psychologie.
Rosenthal et Fode divisent, au hasard, un groupe de rats en deux sous-groupes :
- le premier est attribué à 6 étudiants auxquels et Rosenthal et Fode expliquent qu’il s’agit de rats ayant été sélectionnés pour leur intelligence et leur rapidité et qu’ils devraient traverser le labyrinthe rapidement. Car l’objectif, pour les deux groupes de rats, est de sortir d’un labyrinthe.
- le second sous-groupe de rats est attribué également à 6 étudiants que l’on informe que ces rats ont été sélectionnés pour être lents.
Aussi étonnant que cela paraisse, les rats du premier groupe sortent du labyrinthe d’une façon systématiquement plus rapide que ceux du second sous-groupe.
Dans leur analyse de l’expérience, Rosenthal et Fode stipulent que les étudiants qui croyaient que leurs rats étaient particulièrement intelligents leur ont manifesté de la sympathie, de la chaleur et de l’amitié, ce qui a favorisé leurs performances. À l’inverse, les rats du second groupe supposés avoir des capacités médiocres, se sont vus négligés par les étudiants, ce qui n’a créé chez eux aucune motivation, aucune envie de bien faire ce à quoi ils étaient conviés.
Rosenthal ne s’arrête pas là : il s’associe avec Lenore Jacobson en 1968 pour proposer de passer des tests de QI, sous le faux prétexte d’une étude de l’Université Harvard, aux élèves d’une classe d’un quartier défavorisé de San Francisco (à la Oak School).
Ils font vraiment passer un test de QI à ces enfants et ils informent les enseignants des résultats en surévaluant notablement, au hasard, les résultats de 20 % de ces élèves.
En revenant l’année suivante et en refaisant passer un test de QI à l’ensemble de la classe, ils constatent que les résultats au test de QI des 20% concernés ont progressé de 5 à 25 points. Ce qui n’est pas le cas du reste du groupe.
Rosenthal et Jacobson montrent par cette expérience que le regard stimulant et positif, l’attention, la considération que les enseignants ont porté sur ce groupe de 20% des élèves ont eu comme effet une amélioration notable de leurs scores au test de QI.
Cet effet est connu sous le nom de l’effet Pygmalion : grâce à la croyance en sa réussite venant de son environnement, une personne améliore ses performances. On peut aussi le formuler comme ceci : le fait de croire en la réussite de quelqu’un améliore ses capacités de succès.
Cette dénomination vient d’une légende : Pygmalion, sculpteur chypriote de l’Antiquité grecque, sculpta une statue représentant une femme d’une telle beauté qu’il en tomba amoureux. Revenant chez lui après une fête dédiée à Aphrodite (déesse de l’amour), il embrassa la statue qui, grâce à la déesse, s’éveilla immédiatement à la vie.
Le pendant de l’effet Pygmalion, positif, est l’effet Golem, négatif : lorsqu’une autorité (parent, professeur…) projette une potentialité limitée, négative sur un enfant, celui-ci produit une performance moindre et des objectifs moins élevés.
A ces effets, on donne aussi le nom de « prophéties auto-réalisatrices » : en fonction d’une croyance stimulante ou dévalorisante portée sur un enfant, ou un adulte, celui-ci améliorera ou dénaturera la valeur qu’il s’attribue, l’estime qu’il se porte à lui-même avec des conséquences sur ses actions, ses performances, ses projets.
Ce que nous appelons les « contrats » en Analyse Psycho-Organique est très en rapport avec ces effets Pygmalion et Golem. Selon les contrats établis et projetés sur nous depuis notre petite enfance, nous modelons nos comportements, nos croyances et mêmes nos façons de raisonner. Parmi ces contrats, les plus puissants et les plus efficaces sont des contrats inconscients : nous ne pouvons pas nous défendre sciemment contre eux. Jusqu’à ce que la psychothérapie nous en délivre !