Ralentir pour sentir. L’instant présent en psychothérapie APO

L'instant présent en psychothérapie APO

Le début d’année est une période propice au bilan. C’est souvent une période où les personnes choisissent de démarrer une psychothérapie afin de prendre en main leur souffrance et d’aller vers un mieux-être. Le changement d’année nous rappelle que le temps passe.

Une fois que la personne s’engage en thérapie et qu’elle pose sa demande, en général, elle espère que ça aille vite. Qui n’aimerait pas voir ses problèmes résolus en quelques séances ? Et à cet égard la thérapie en Analyse Psycho-Organique peut être déroutante. Le temps du changement psychique n’est pas celui de l’immédiateté et la vitesse qui guident nos vies. Le corps et l’esprit ont besoin de temps pour être explorés, entendus et accueillis. Ralentir permet de sentir… et cela est beaucoup plus puissant qu’on le pense.

Faire l’expérience de soi dans l’instant présent

L’Analyse Psycho-Organique ne propose ni protocole, ni programme, ni méthodes pour aller mieux. Ses outils sont au service du processus naturel et singulier de chacun-e. Elle part du postulat que la personne a en elle les ressources pour se développer et se réaliser.

L’Analyse Psycho-Organique propose avant tout au thérapisant de vivre une expérience. Le temps de la séance permet de faire l’expérience de soi dans l’instant présent. En se réappropriant sa pensée, ses sentiments et ses sensations physiques, la personne peut faire l’expérience d’être soi-même, parfois comme nulle part ailleurs et être accueillie dans la relation avec son thérapeute. Un des principaux leviers de transformation est le transfert. Celui-ci s’installe au fil des séances, dans la relation thérapeutique. Ce type de travail psychothérapeutique est profondément transformateur et permet d’installer un changement durable, bien souvent au-delà des espérances.

Se laisser aller à ce qui vient

L’analyse Psycho-organique, comme méthode psychothérapeutique a comme particularité de prendre en compte la personne dans son unité psycho-corporelle. Cela a pour conséquence que dans l’instant de la séance, les mots que la personne dit ne vont pas être le seul élément qui sera écouté. L’analyste psycho-organique écoute aussi les attitudes, les gestes, les intonations, les répétitions, les images, les sensations, les sentiments, les associations libres, les regards, les silences (ou l’absence de silence), le rythme…

Petit à petit un langage thérapeutique s’installe. La personne apprend à se connecter à ce qui la traverse dans l’instant présent de la séance. Elle cesse de préparer à l’avance ce dont elle va parler à son thérapeute pour découvrir ce qui s’exprime dans l’instant, aussi bien par ses mots que par ses ressentis physiques et émotionnels. Souvent la position allongée l’aide à se relâcher et accueillir tout ce qui vient librement. Elle permet aussi de lâcher le regard du thérapeute et de sortir du mode habituel de la conversation, pour rentrer dans celui de l’introspection. Le thérapisant qui se laisse ainsi aller à ce qui se passe dans sa tête, son cœur et son corps, peut se trouver bien surpris de ce qui émane de lui. Des liens se font, avec à la clef, des prises de conscience importantes qui sont éprouvées dans le corps.

Favoriser la Connexion Organique

Dans la topique de l’Analyse Psycho-Organique, la Connexion Organique fait le pont entre le Concept (pensée, logique, raisonnement) et l’Organique Profond (notre vie viscérale et organique). La Connexion Organique, c’est le lieu de l’expression, de la perception corporelle, de l’émotion, du sentiment et des images.

En favorisant l’accès à la Connexion Organique, le travail en APO cherche à relier les différentes parties de l’être : le corps, le cœur, la tête, ou dit autrement les sensations, les émotions et les pensées. L’Analyste Psycho-Organique a de multiples façons d’accéder à la Connexion Organique : la détente corporelle, la respiration consciente, le mouvement, la voix, l’image, l’exploration du rêve nocturne, la régression positive, le rêve éveillé, la poésie, les symptômes corporels…

Il utilise une ou plusieurs de ces portes d’entrée au sensible, selon ce qu’il perçoit de la personne. Pour certaines personnes, le travail avec les images sera fluide et riche, pour d’autres ce sont les symptômes corporels qui s’imposent, pour d’autres les rêves…

Dans tous les cas, ces voies d’accès sont possibles par l’invitation du thérapeute. Une de ses intentions premières est d’inviter son/sa thérapisant-e à ralentir pour sentir et s’ouvrir aux différentes dimensions de ce qu’il dit et vit.

Amplifier le présent

L’analyste psycho-organique invite la personne à approfondir ce qu’elle dit, ce qu’elle ressent, ce qu’elle voit. Il l’invite en quelque sorte à amplifier le présent, c’est-à-dire à plonger dans l’univers que recèle un mot, une sensation, un geste ou un ressenti. C’est ce qu’Eric Champ a appelé le présent amplifié.

Amplifier le présent en séance, c’est prendre le temps d’approfondir ce qu’il y a comme représentations, comme affects et comme situations derrière les mots qui sont prononcés par le/la thérapisant-e. Cela peut partir d’une simple sensation nommée en début de séance qui est approfondie et explorée. Le thérapeute invite le thérapisant à creuser et à découvrir ce qu’il y a en dessous. Quelle est l’image derrière la sensation ? Qu’est-ce que veut dire ce mot pour la personne ? À quelle situation cela la renvoit ? A ce moment-là, ni le thérapeute ni le thérapisant ne savent ni ce qu’ils cherchent, ni ce qu’ils vont trouver : ils explorent ensemble. Il est parfois très étonnant de voir le sens qui se dégage peu à peu quand le thérapisant et le thérapeute acceptent tous deux de rester dans le non-savoir, de ne pas se ruer vers une interprétation ou une analyse mais d’écouter avec soin.

L’analyste psycho-organique saisit un mot, une sensation ou un mouvement du thérapisant comme une porte d’entrée pour approfondir, questionner, ouvrir. Ce faisant, le thérapeute déjoue la tendance du mental à vouloir analyser, expliquer et trouver rapidement un sens. La mise en sens trop hâtive ferme la porte à l’exploration : dès lors que l’on explique l’expérience, on l’enferme dans le concept. Le travail d’amplification du présent consiste à prendre le temps, à emprunter différents chemins, en acceptant que le sens n’apparaisse pas tout de suite ou pas entièrement. Le thérapeute est comme un guide qui invite le patient à ouvrir des chemins dans une jungle, à les emprunter sans savoir où ils mènent jusqu’à ce que le sens se dessine. Bien souvent ce travail d’amplification du présent mène à des situations du passé. En ressentant là où la personne s’est bloquée par le passé, elle digère les émotions enfouies, et peut exprimer ce qu’elle aurait eu besoin de recevoir ou ce qu’elle aurait eu besoin de dire sur le moment. Ce travail avec les situations passées, avec le sentiment dont elles sont impregnées et l’expression de l’élan bloqué, est au cœur de la thérapie en APO.

Les libérations qui en découlent sont considérablement transformatrices car elles ont le temps de prendre corps dans l’éprouvé du thérapisant au fil des séances, dans la succession des instants présents amplifiés. Ce processus d’incarnation et de transformation prend du temps.

Laisser un commentaire