Mon éveil écologique est relativement récent. Avant l’année 2019, la dimension environnementale ne faisait pas partie de ma pratique thérapeutique. Je recevais alors un public d’adultes et proposais un travail en analyse-psycho-organique (Analyse Psycho-Organique), pour répondre à tous types de problématiques.
L’année 2019 est charnière pour moi. Je décide d’ouvrir mon cabinet à l’accueil des nouvelles détresses psychiques et psychologiques issues des bouleversements environnementaux. A l’époque les termes d’éco-anxiété et de solastalgie (terme que l’on doit au chercheur australien, Glenn Albrecht) sont assez méconnus. À Montpellier où je suis installée, nous vivons un épisode de canicule sans précédent le 29 juin de cette même année. Il fait 46 degrés dans un petit village du Gard, département voisin du mien. Plusieurs personnes se reconnaissent dans la définition de l’éco-anxiété que j’ai mise sur mon site internet et prennent contact avec moi. Ils m’énoncent le besoin d’être accompagné.e.s, de pouvoir verbaliser la souffrance que génère chez eux leur conscience écologique. Nous nous engageons alors ensemble dans un processus thérapeutique. L’environnement, ce qui se passe à l’extérieur, s’invite au cœur des séances. Le dehors trouve une place à l’intérieur de mon cabinet. Les différents phénomènes liés aux problématiques climatiques que nous vivons en France ou dans les pays voisins (sécheresse, canicule, feux de forêts, inondations) génèrent de nouvelles prises de conscience. Nous vivons dans nos corps et à travers notre concept la réalité de ces changements. Ce ressenti d’éco-anxiété devient une porte d’entrée pour démarrer un travail sur soi.
Après trois années de travail sur les nouvelles souffrances écologiques, un certain nombre d’accompagnements d’éco-anxieux démarrés, en cours, ou clôturés, l’écriture d’un mémoire clinique, il m’est proposé de partager la pratique que je propose dans un livre. Je sens que mon être thérapeute s’est transformé, j’ai trouvé un style qui m’est propre, une manière de travailler et d’aborder le sujet environnemental dans mes séances. Je me sens plus outillée aussi dans les propositions que je fais à mes patients. J’ai aussi complété mon cursus initial fait à l’EFAPO par des formations qui se raccrochent au champ de l’écopsychologie[1].
Ce processus d’écriture, auquel je dis un oui joyeux, sera pour moi une manière de composter mon éco-anxiété, de transformer ce thème aux abords parfois anxiogènes et mortifères en élan de vie.
Le petit guide : une proposition d’accompagnement de l’éco-anxiété en 16 chapitres
L’Analyse Psycho-Organique trouve une place centrale dans cet ouvrage. Y sont développés différentes notions, dans leurs aspects théoriques mais également dans une dimension pratique. Nous savons en tant que psychopraticiens que la démarche de se faire accompagner, de prendre rendez-vous pour un premier entretien, nécessite parfois beaucoup de temps et de courage. La vocation de ce livre est ainsi de permettre aux lecteurs de pouvoir comprendre des concepts et d’y trouver des outils pratiques pour pouvoir répondre à certaines de leurs problématiques.
Un des premiers chapitres remet le corps, la notion d’unité psycho-organique, au centre du travail thérapeutique. Comme l’écrit très bien Marc Tocquet[1], analyste-psycho-organique et psychologue clinicien, l’homme est avant tout un corps et c’est ce corps, traversé par des sensations, émotions, qui est en capacité de penser. Revenir dans le corps, lui (re)donner une place centrale, est un passage obligé pour toute personne qui s’engage dans un processus thérapeutique.
Un autre chapitre est entièrement dédié à l’analyse des quatre sécurités – insécurités (cosmologique, existentielle, identitaire, relationnelle). Un exercice pratique permet d’approfondir et de questionner le lecteur sur sa perception et son vécu de ces différentes sécurités et de travailler aussi sur ses bases, une notion clé en APO.
Les bouleversements environnementaux actuels nous amènent à intégrer la notion de limites et à nous confronter à celle, ultime, de notre condition d’êtres mortels. La vision de l’APO et les outils développés sur la mort et le deuil sont proposés au lecteur. Différentes vignettes cliniques ont été écrites afin de permettre un processus d’identification et d’appropriation de la matière exposée.
La dimension du sens, chère à l’APO, constitue l’un des fils rouges de l’accompagnement proposé aux éco-anxieux. Le patient explore et trouve en lui la juste manière de répondre à la question suivante : qu’est-ce qui me donne envie de me lever le matin quand je suis en lien avec ma conscience de l’état du monde ?
Cet ouvrage a été conçu à l’image de ma perception de l’Analyse Psycho-Organique. Je considère que cette méthode est ouverte sur l’extérieur et sur d’autres types d’accompagnements, dans une volonté d’inclusion et d’enrichissement. Différents expérientiels au contact du monde vivant sont proposés. Ils sont inspirés de ma découverte de l’écopsychologie. Ils ont pour objectif de faire travailler le lecteur sur le lien qu’il entretient avec l’environnement non humain, de le questionner et de pouvoir le renforcer. Je remercie Yann Desbrosses, analyste-psycho-organique et auteur de l’article La nature comme méditation thérapeutique, d’avoir spontanément proposé de me transmettre des expérientiels utilisés dans ses stages et formations.
D’autres thèmes ont émergé des séances faites avec mes patients éco-anxieux : la question de la parentalité, la relation que l’on entretient avec l’entourage, avec ses proches, lorsqu’on constate qu’ils sont parfois protégés des réalités environnementales par des mécanismes de défense comme le déni. La culpabilité, souvent bien présente quand on prend conscience de l’impact des activités humaines sur la planète, ses bénéfices secondaires, sont également traités. Il lui est préféré la notion de responsabilité.
[1] Pour plus d’informations sur l’écopsychologie vous pouvez consulter ce site : https://eco-psychologie.com/
[1] Marc Tocquet, Je suis un corps qui pense, éditions Penta, 2019
Le petit guide : un début de réflexion sur nos possibilités d’action en tant qu’analystes-psycho-organiques
Je souhaite profondément que cet ouvrage puisse s’inscrire dans une réflexion plus large : quel accompagnement pouvons-nous proposer à ces personnes éco-anxieuses, ou éco-lucides, terme que certains préfèrent utiliser ? Il me semble aujourd’hui que nous devons questionner l’accompagnement que nous proposons à nos patients et y inclure cet environnement si précieux, qui nous permet d’être vivants, ici et maintenant. L’Analyse-Psycho-Organique en tant que méthode de psychothérapie a toute sa place dans cette réflexion. Cette proposition d’ouvrage en constitue, je l’espère, un début.
Mots clés : bouleversements environnementaux ; APO ; Eco-anxiété ; Solastalgie ; Souffrances écologiques ; Eco-lucide