Penser et panser les blessures de l’inceste et des violences sexuelles dans l’enfance, une démarche de réparation indispensable.

Célia Charpentier donnera une conférence en visio le jeudi 19 septembre 2024 à 20h :
« S’autoriser à penser les violences sexuelles Ou comment sortir du brouillard de l’inceste ? ».

Mots-clés : inceste chiffre ; Analyse Psycho-Organique ; Impact inceste

En France, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les 3 minutes.
Chaque année, on estime que 162.000 enfants en France sont victimes de violences sexuelles et, malheureusement, rien n’indique que cela diminue au fil des ans.
L’inceste est interdit par la loi française.
Pourtant, aujourd’hui encore, il reste des confusions sur ce qu’est réellement l’inceste.

Définitions et statistiques de l’inceste

Le dictionnaire Larousse le définit ainsi : « Relations sexuelles entre un homme et une femme, liés par un degré de parenté entraînant la prohibition du mariage ; relations sexuelles entre parents très proches. ». Nous noterons ici que l’inceste entre deux personnes du même sexe est absent de la définition.
L’article 222-31-1 du Code pénal donne une définition: « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis sur la personne d’un mineur par : 1° Un ascendant ; 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ; 3° Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s’il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. »

Les chiffres de l’inceste qui montrent l’ampleur et les impacts de ce drame

Pour mieux comprendre l’inceste, quelques chiffres sont à retenir :

  • Il y a 22.000 incestes paternels par an,
  • En 2018, seulement 760 condamnations pénales ont été recensées pour viol ou agression sexuelle à caractère incestueux,
  • En 2015, 4 millions de victimes d’incestes ont été recensées, soit 6% de la population française,
  • 20% des femmes et 5 à 10% des hommes déclarent avoir été violentés pendant l’enfance (et les associations de protection de l’enfance affirment régulièrement que ces chiffres sont sous-évalués),
  • 1 agresseur sur 4 est également mineur,
  • Dans 94% des cas, l’agresseur fait partie de l’entourage de la victime mineure,
  • 84% des victimes mineures sont obligées de fréquenter leur agresseur jusqu’à leur majorité,
  • 1 victime sur 2 a par la suite des conduites addictives,
  • 4 victimes sur 10 ont ensuite fait des tentatives de suicide,
  • Le risque de cancer est augmenté de 20% à l’âge adulte,
  • L’espérance de vie des victimes peut diminuer de 20 ans si aucun soin spécifique n’est apporté, ou si les violences sont multiples.

L’inceste, des conséquences profondément injustes pour les victimes de ces agressions

Dans leurs témoignages, les victimes utilisent souvent la même expression pour décrire les conséquences des agressions qu’elles ont subies : « j’ai pris perpète ». C’est une des raisons des combats des associations dédiées pour que ces crimes sexuels deviennent imprescriptibles.
Les violences sexuelles ont de très lourdes conséquences sur la vie et la santé des victimes avec des situations de précarité bien plus fréquentes : ces conséquences sont d’autant plus graves que ce sont des viols, que les victimes sont des filles, que les violences sexuelles ont été commises par un membre de la famille proche et qu’elles ont duré plus d’un an.
Les victimes de viols sont 77% à évaluer comme important l’impact sur leur santé mentale, 59% sur leur santé physique, 81% sur leur sexualité, et 74% sur leur vie familiale et sociale, 54% sur les études et sur leur vie professionnelle. Plus de la moitié des victimes ont souffert d’épisodes dépressifs et de troubles anxieux (55%), près de 50% des victimes de viols dans l’enfance ont fait des tentatives de suicides, plus de 50% ont présenté des troubles alimentaires, plus d’un tiers ont eu des conduites addictives .
Les victimes d’inceste sont donc malheureusement des personnes « à risques » qui ont la nécessité de prendre plus de précautions que les autres pour leur santé mentale et physique.

Traumatisme et mémoire du corps

Beaucoup de patients victimes d’inceste et d’agressions sexuelles qui arrivent dans nos cabinets de thérapeutes savent à peine qu’ils ont un corps. Les violences et les traumatismes qu’ils ont subis les ont contraints à « quitter » leurs corps meurtris, à ne plus sentir les sensations insoutenables et insupportables qui les hantent, pour vivre « dans leurs têtes ».

Cette dissociation de la tête et du corps est un réflexe naturel de survie. Sans cette protection, ils ne seraient peut-être plus en vie aujourd’hui.

En revanche, cette armure qui a tellement servi et a permis à la tête de se déconnecter du corps devient progressivement de plus en plus lourde, de moins en moins facile à porter. Elle prend des aspects de prison mais ne fait plus refuge.

Par ailleurs, la mémoire du corps peut se réveiller, telle une boîte de Pandore, à tout moment. Un bruit, une odeur, un geste, une phrase ou un simple regard peuvent renvoyer dans la sensation du passé traumatique qui n’est pas totalement passé.

L’évolution du traumatisme et les conséquences psychiques et physiques ne sont ni prévisibles, ni linéaires. Il n’est pas possible de prévoir quand la mémoire traumatique se réveillera, s’il y a eu amnésie totale ou partielle. 39% des victimes ont ainsi connu des périodes d’amnésie qui, pour un tiers d’entre elles, ont duré plus de 20 ans. L’amnésie est bien plus fréquente quand les victimes ont subi un viol (47%), quand elles avaient moins de 10 ans au moment des premières violences (jusqu’à 61%), ou si les violences étaient incestueuses (52%).
L’âge des agressions compte aussi énormément. La plupart des crimes sexuels chez les enfants se produisent avant dix ans. Et il y a malheureusement aussi beaucoup de bébés abusés. Avant trois ans, la mémoire est organique, il n’y a pas la pensée élaborée, simplement les émotions et les sensations. Certaines personnes vivent ainsi pendant des années avec des troubles anxieux ou des angoisses qui ne s’expliquent pas, car le traumatisme a été vécu à un âge trop précoce.
Il faudra faire confiance au corps, et croire en des sensations qui ne seront jamais vérifiables. Ces patients-là sont souvent en grande fragilité. Il est difficile de se battre contre cet ennemi invisible, que l’on sent pourtant tellement fort à l’intérieur de soi.

Avec l’analyse psycho-organique, un chemin possible de guérison et de soin

L’analyse psycho-organique est une méthode de psychothérapie humaniste qui associe le travail psychique et le vécu corporel. En remettant en circulation les sensations du corps, les émotions et la pensée, les patients se libèrent de leurs souffrances et accèdent à nouveau à leur élan vital potentiellement bloqué depuis le traumatisme.
Accueillir une personne qui a subi de l’inceste, des agressions sexuelles, ou vécu dans un climat incestuel nécessite une écoute très attentive et beaucoup de délicatesse de la part du thérapeute.
Il s’agira tout d’abord d’établir une relation de confiance avec le/la patient(e), à son rythme, pour que l’impensable de l’inceste puisse se penser et, progressivement, se dire.
Sortir du silence, poser des mots et comprendre la gravité et l’interdit des actes est une première étape importante du processus de libération du traumatisme.
Les émotions enfouies pourront alors enfin se vivre. La potentielle culpabilité sera verbalisée et petit à petit rendue à l’agresseur/euse, seul(e) responsable des actes interdits.
Par la suite, un travail sur le respect de soi et les limites, sur ce qui est acceptable et ne l’est pas, sur la reconnaissance des sensations et des besoins démarrera, avec pour objectif que les répétitions traumatiques cessent et que la mémoire des drames n’envahisse plus aussi vivement le présent des patient(e)s.
Réparer l’inceste et les traumatismes sexuels de l’enfance est possible. Cela nécessite beaucoup de courage et de patience pour que le processus de résilience se fasse.

[1] (Sources : https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2019-enquete-ipsos-2-violences-sexuelles-de-lenfance.html , https://www.ciivise.fr/wp-content/uploads/2021/10/Avis-meres-en-lutte.pdf et conférence du juge Edouard Durand, ancien président de la Ciivise, Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants )

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