NAÎTRE MERE : QUI PREND SOIN DE CELLES QUI PRENNENT SOIN ?

Chaque année, nous fêtons les mères. Comment la maternité est-elle vécue aujourd’hui ? Quand une femme enfante, toute l’attention va vers le bébé. Le vécu de la mère est souvent passé sous silence. Cette période postnatale est pourtant source de nombreux remaniements psychologiques et physiologiques qui demandent à être accompagnés.

A LA RECHERCHE DU VILLAGE PERDU…

Selon un vieil adage, « il faut tout un village pour élever un enfant ». Aujourd’hui, les jeunes mamans témoignent volontiers d’un sentiment de solitude et d’isolement dans la période qui suit la naissance. Autrefois, il y avait beaucoup de monde pour entourer et soutenir la jeune mère (famille, sage-femmes, voisins, amis…). Cette aide concrète permettait à la mère de se reposer de l’accouchement et d’avoir quelques moments seule pour se retrouver. Et au-delà du matériel, la mère y trouvait une attention et une écoute qui lui permettait de se sentir reliée à l’expérience d’autres femmes. En recevant des soins, elle pouvait alors plus facilement en donner à son bébé.
Certains pays et cultures accordent encore une attention particulière à cette période postnatale. En Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, on continue à mettre l’accent sur le repos de la jeune maman et la création du lien avec son bébé, en apportant un soutien à la fois matériel et affectif. En Inde, par exemple, les mères sont massées quotidiennement aux huiles ayurvédiques durant les 40 premiers jours, et ensuite, c’est au tour du bébé. En Corée, les jeunes mamans ne sortent pas de chez elles les 3 premiers mois, ce sont les parents ou les beaux parents qui viennent aider le jeune couple.
Dans nos sociétés occidentales et individualistes, l’épuisement ressenti par les jeunes mères est accentué par la solitude, le manque de soutien, d’écoute bienveillante et d’espace pour soi.

UNE DOUBLE NAISSANCE : CELLE DE L’ENFANT, CELLE DE LA MERE

Lorsqu’un enfant naît, une mère naît. C’est une double naissance, et même une triple naissance : celle du bébé, celle de la mère, celle du père ou du co-parent. Une naissance est une « co-naissance » comme le dit Paul Boyesen, fondateur de l’Analyse Psycho-Organique. Les parents apprennent à connaître le nouvel être qui s’incarne sur Terre. Le père le reconnaît. La mère le rencontre en dehors de son corps. La création du lien mère-bébé prend du temps, demande de l’espace et du soin.

Durant cette période, le corps et la psyché de la jeune mère connaissent des changements rapides et importants. Les études montrent que la structure cérébrale de la maman est remodelée jusqu’à deux ans après la naissance. En plus des multiples transformations biologiques et hormonales, des vécus très subtils, comme le vécu de sa propre histoire de bébé ou bien de traumatismes anciens, se réactivent alors.

L’anthropologue américaine Louise Raphael a créé le mot « matrescence », contraction des mots maternité et adolescence pour désigner le processus de transformation physique, émotionnel et neurobiologique que vit une femme au moment de devenir mère. Au cours de la vie, rares sont les périodes qui demandent autant d’adaptation et de souplesse. La jeune maman développe une écoute subtile, qui passe par son intuition plus que par sa réflexion. Elle s’accorde aux besoins du bébé être humain dont la survie dépend entièrement du soin qui lui est apporté. Cet état psychique particulier d’extrême attention et d’hypersensibilité, c’est ce que le pédiatre et psychanalyste D. W. Winnicott appelle la « préoccupation maternelle primaire ». La jeune maman est alors vulnérable, tournée vers l’intérieur et ressent le besoin d’être physiquement et psychiquement protégée.

LA THERAPIE EN APO : PRENDRE SOIN DU VECU INTERIEUR DE LA MERE

A chaque nouvelle naissance, la psyché et le corps de la mère se recomposent. Chaque naissance, pas seulement la première, peut déstabiliser les repères, fragiliser l’équilibre et faire émerger des blessures enfouies depuis très longtemps.

Même si nous n’en avons aucun souvenir conscient, la manière dont nous sommes venus au monde et dont nous avons été accueillis reste imprimée dans notre mémoire corporelle . Ainsi, notre vécu de bébé se réactive inconsciemment lorsque nous devenons parents.

Particulièrement conscient de l’importance de ses premiers instants de la vie, le thérapeute APO écoute ce qui, bien souvent, s’exprime plus volontiers par des sensations corporelles plutôt que par les mots.

Dans un accueil bienveillant et rassurant, le ou la thérapeute APO permet l’expression de tous les ressentis, sans conseils, ni jugement. Quel que soit son vécu, la jeune maman ressentira de l’ambivalence dans cette période. Le bonheur d’accueillir un enfant se mêle à l’extrême fatigue, la joie de donner au manque de recevoir, l’émerveillement de cette nouvelle rencontre au deuil de la « vie d’avant ». C’est parfois le seul espace où la jeune mère peut tout exprimer.

Si la mère est accueillie dans son vécu, elle peut faire de cette période de transition une merveilleuse opportunité de croissance. En développant une connaissance d’elle-même, elle pourra devenir peu à peu la femme et la mère qu’elle désire être. En prenant soin d’elle, elle pourra materner sans s’épuiser. En écoutant son « bébé intérieur », elle pourra grandir et se libérer des répétitions familiales.

Cet article a 3 commentaires

  1. Amel DESCAMPS

    Très bel article. Merci Elena.

  2. Villedieu

    Bravo Helena , une mère bien consciente du processus “matrescence “, nom que je découvre .

  3. Agnès HAVET

    oui merci Elena, ton texte reprend bien les enjeux de mon accompagnement avec une maman qui a des pulsions infanticide vis à vis de son bébé qu’elle adore par ailleurs.Toute l’ambivalence liée à une histoire personnelle bien difficile.

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